Quelle place le juridique prend-il dans la mission d’un directeur de sécurité ?
Le 15 février 2022, en présence d’un avocat pénaliste, une trentaine de directeurs de sécurité et de directeurs juridique en entreprise ont réfléchi sur « la place du juridique dans la mission d’un directeur de sécurité » ; ce thème sécuritaire est celui qui préoccupe, le plus, les entreprises depuis quelques années avec la judiciarisation de la société. Les risques de dérives existent et tout doit être encadré avec rigueur.
Les principales conclusions de ces échanges, très enrichissants, sont rapportées ci-dessous.
Responsabilités d’un dirigeant d’entreprise
- Responsabilité civile : obligation de réparer le dommage causé à autrui sans atteinte à l’ordre public.
- Responsabilité pénale : sanction d’un acte interdit par la loi et puni par une peine.
Responsabilité pénale
- Le directeur de sécurité est au cœur de la sécurité pénale de l’entreprise pour d’une part, sa sécurité personnelle et d’autre part, la sécurité de ses dirigeants.
- L’analyse de certains évènements ou incidents graves, ayant frappé des entreprises en France et à l’étranger, conduit à demeurer très attentifs aux législations nationales et internationales.
- La responsabilité pénale du chef d’entreprise est toujours engagée en cas d’accident de salarié.
- Secteurs couverts par le risque pénal sont : hygiène et sécurité, droit du travail, activités commerciales, environnement et urbanisme, données personnelles, sécurité des systèmes d’information.
Mobilité à l’étranger
- Les responsabilités pénales des chefs d’entreprises sont maximales lorsque leurs salariés sont envoyés, pour raisons professionnelles, à l’étranger pour des séjours de courtes ou longues durées, avec ou sans famille.
- A l’étranger, elles s’appliquent 24h/24 et 7J/J et ne disparaissent jamais totalement, même si le voyage a été parfaitement préparé et que le salarié déroge aux consignes de sécurité mises en place par l’entreprise. Toutes les facettes de la vie dans le pays doivent être prises compte (drogue, alcool, sexe, conduite automobile, us et coutumes, …).
- La sécurisation de la vie privée (loisirs, déplacements personnels, sports, logement, …) des salariés devrait prévue dans le cadre des modalités « Bleisure time » définies par l’entreprise.
Droiture, honnêteté, droiture
- La probité, l’éthique sont des préoccupations croissantes au sein de l’entreprise en référence à la loi Sapin 2, en France et à l’étranger, pour lutter contre corruption, trafic d‘influence.
- Dans la loi Sapin 2, les dispositifs d’alerte sont obligatoires dans la quasi-totalité des entreprises mais la protection des lanceurs d’alerte a été renforcée en fev 2022 par la définition de critères renforcés (preuves, bonne foi, sans intention de nuire, secret des affaires, ONG, syndicats, …) ; seuls 4 secrets sont inviolables (défense nationale, avocat, médical, confession).
- La loi sur le devoir de vigilance (2018), relative aux risques sociaux (santé, droit humain, liberté, ...), environnementaux (climat, ...) et de gouvernance, sera élargie, prendra de l’ampleur et s’appliquera aux sociétés donneuses d’ordre, à leurs sous-traitants et à leurs fournisseurs.
- Ces risques augmentent depuis quelques années et les conséquences peuvent être dramatiques pour les entreprises.
- Dans de nombreuse entreprises, le directeur de sécurité y est impliqué, en coopération avec le directeur juridique, le directeur de la compliance et des dispositifs d’alerte sécurisés sont en place.
Télétravail
- De nombreux directeurs de sécurité s’inquiètent sur les modalités d’encadrement juridique du télétravail, en France et à l’étranger, qui demeure toutefois sous la responsabilité du DRH.
- Le droit du travail français prévaut mais rien n’est figé car des adaptations « soft law » peuvent être faites en accord avec les instances internes.
- Ce sujet a pris plus d’importance durant le Covid et reste d’actualité, d’où la nécessite de bien l’encadrer.
Comportement face au risque pénal
- Il faut le prévenir car tout le monde « prendra des coups » dans l’entreprise et l’obligation des résultats sera toujours privilégiée sur l’obligation des moyens.
- Le fantasme du « risque zéro » n’existe pas ; ne pas oublier que l’avocat n’a pas une réponse à tout et il est conseillé de résoudre, au plus tôt, les problèmes naissants dans l’entreprise.
- L’avocat présent précise qu’il fait beaucoup de sensibilisation aux risques pénaux en entreprise car le monde légal évolue en permanence et demeure complexe.
- La conséquence immédiate du risque pénal s’applique sur l’image de marque et la réputation de l’entreprise qui doivent être garanties pour le business.
- Une nuance est apportée au niveau de l’engagement des dirigeants entre ceux qui sont propriétaires de leur entreprise et ceux qui ne sont détenteurs qu’un pouvoir confié temporairement.
- Le directeur de sécurité devrait en priorité protéger l’entreprise, avec ses salariés et son business, et non seulement le chef d’entreprise.
- Dans l’intérêt de l’entreprise, le dialogue est impératif entre le directeur de sécurité et le directeur juridique car :
- Ils ont des approches juridiques différentes : le premier tentera de trouver des solutions sécurisées alors que le deuxième voudrait respecter strictement la loi.
- Ils doivent partager la carte des risques pénaux.
- Simple conseil : le directeur de sécurité ne doit pas prendre des risques inconsidérés et faire des écrits intelligemment car il pourrait se retrouver « très seul » face à des juges.
Délégations
- Délégation de pouvoirs : le délégant transfère une partie de ses pouvoirs et le délégataire devient responsable pénalement dans les domaines faisant l’objet de la délégation.
- Délégation de signature : pas de transfert de responsabilité
- Trois conditions de validité : le délégataire doit être compétent, avoir l’autorité pour faire appliquer ses décisions, disposer des moyens (financiers, techniques et humains) pour faire respecter la loi.
En conclusion, sachant que les risques pénaux sont nombreux et que les organisations dans les entreprises sont parfois tentaculaires, le directeur de sécurité doit s’impliquer fortement dans les domaines juridiques, français et international, en devenant un collaborateur précieux des dirigeants, leur permettant ainsi d’avoir une cartographie actualisée des risques en lien direct avec les enjeux business de l’entreprise.
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